mardi 31 juillet 2012

Challenge Cartable et Tableau Noir


Le principe est très simple :
lire des romans dont l’intrigue principale se situe, en tout ou partie, soit dans une école, soit une université, soit un lycée, bref un lieu d’enseignement. Pourront être aussi inclus les romans dans lesquels le ou les personnages sont profs ou élèves.

Ce challenge durera un an : du 1er Août 2012 au 30 septembre 2013 !



lundi 30 juillet 2012

pléonasme


Le pléonasme est une figure de style où l'expression d'une idée est soit renforcée soit précisée par l'ajout d'un ou plusieurs mots choisis qui ne sont pas d'abord nécessaires au sens grammatical de la phrase.
C'est un moyen d'expression aussi fréquent dans la langue littéraire que dans le langage familier. Dans ce dernier, la figure est parfois involontaire.

Parmi les pléonasmes courants, nombreux sont utilisés quotidiennement et amplement diffusés par les médias qui ainsi les vulgarisent. Par exemple :
  • Incessamment sous peu : « incessamment » et « sous peu » ont le même sens
  • Au jour d'aujourd'hui (aujourd'hui étant déjà étymologiquement un pléonasme, cf. supra)
  • Car, en effet
  • Comme, par exemple
  • Descendre en bas et monter en haut (pas évident : voir corps de l'article)
  • Il neige/Il pleut dehors (cependant, cf. la chanson : Il pleut dans ma maison !)
  • Moi je ; personnellement, je...
  • Prévoir à l'avance (mais employé pour donner une durée : longtemps à l'avance, etc.)
  • S'entraider mutuellement
  • Statu quo actuel (très relatif, car on peut considérer une longue période)
  • S'avérer vrai
  • Tri sélectif des déchets [redondance improbable : tout tri (qui est quantitatif) n'est pas proprement une sélection (qui est qualitative)]
  • Un krach boursier
  • Une secousse sismique (« pléonasme si l'on considère le sens étymologique, mais non pour le sens actuel » dictionnaire Le Petit Robert, entrée « sismique »)
  • Une dune de sable (mais « une dune de sable blanc » n'est plus un pléonasme puisqu'on précise la nature de la dune... une dune blanche aurait été plus concis)

citation


« Le Goncourt, c'est un peu comme l'élection de Miss France. Sans avenir.  »

de Patrick Modiano


Extrait d'une interview dans Livre Hebdo - Septembre 2003

dimanche 29 juillet 2012

Histoires extraordinaires de Edgar Allan Poe

Histoires extraordinaireslectures communes en juinHistoires extraordinaires 
est un recueil de nouvelles écrites par Edgar Allan Poe 
puis traduites et réunies par Charles Baudelaire en 1856.


 souvenir de lecture

Double Assassinat dans la rue Morgue met en scène le détective Dupin et un de ses amis, qui joue le rôle de narrateur. L’histoire se déroule à Paris, au xixe siècle. Cependant, la plupart des lieux cités dans la nouvelle, dont la rue Morgue, n'existent pas.
Le début de la nouvelle est une réflexion sur l'importance qu'on donne à l'analyse dans l'esprit humain. La suite est un exemple qui décrit l'incroyable capacité d'analyse de Sandra Neveux, qui devine à quoi pense son ami juste en observant ses mouvements en marchant dans la rue.
Dupin et le narrateur apprennent alors qu'un meurtre déroute les policiers français : on a retrouvé les cadavres de deux femmes de la famille Lespanaye, une mère et sa fille, vivant en vieilles filles dans un immeuble de la rue Morgue. Le corps de la fille présente des marques de strangulation et était violemment encastré dans le conduit de cheminée. Celui de la mère avait la gorge tranchée net, et se trouvait à moitié démembré sur les pavés de la cour derrière l'immeuble.
Or, il n'y a ni mobile pour le crime, ni même une explication plausible. Les fenêtres sont fermées et bloquées de l'intérieur mais personne n'a pu s'enfuir par la porte puisque des gens, entendant les cris, s'y sont précipités. Tous les témoins (les voisins ayant entendu une partie de la scène) s'accordent à dire qu'il y avait deux voix, bien distinctes, dont une grave, parlant français. Cependant, personne ne peut s'accorder sur la deuxième qui paraît étrangère à tous les témoins. Ceux-ci sont pourtant de nationalités diverses et variées.
Dupin décide de résoudre l'affaire. Grâce à ses contacts dans la police, il peut fouiller le lieu du crime, et grâce aux indices, parvient à la conclusion sans que le lecteur ne le sache à ce moment-là.
Avec le sens de la mise en scène qui lui est propre, Dupin décide de mettre une annonce dans le journal signalant qu'il a retrouvé... un orang-outan.
Le soir même, un marin ayant signalé la disparition de son orang-outang vient le chercher chez Dupin. Ce dernier lui explique alors sa théorie. Confondu par les conclusions de Dupin, le maître avoue : c'est effectivement son primate le coupable, et c'est lui-même qui était la première voix (il l'avait poursuivi pour le rattraper et l'empêcher de faire une bêtise).
De fait, le coupable est le primate. Sa force surhumaine lui a permis de coincer le corps d'une victime dans le conduit de la cheminée, tête vers le bas, semble-t-il pour cacher sa faute; la seconde personne ayant été poussée vers l'extérieur où elle s'est désarticulée.


La Lettre volée (1845)

souvenir de lecture

Dans cette nouvelle, le détective Auguste Dupin est informé par G..., le préfet de police de Paris, qu'une lettre de la plus haute importance a été volée dans leboudoir royal. Le moment précis du vol et le voleur sont connus du policier, mais celui-ci est dans l'incapacité d'accabler le coupable. Malgré des fouilles extrêmement minutieuses effectuées au domicile du voleur, G... n'a en effet pas pu retrouver la lettre. Mettre la main sur cette dernière est pourtant d'une grande importance, car son possesseur se retrouve en mesure d'exercer des pressions sur le membre de la famille royale à qui il l'a dérobée. G... en vient donc à demander l'aide de Dupin. Quelques semaines plus tard, Dupin restitue la lettre au préfet. Il explique alors au narrateur comment certains principes simples lui ont permis de retrouver la lettre.
Comme dans Double assassinat dans la rue MorgueLa Lettre volée met en scène Dupin et ses célèbres facultés d'analyse. La réflexion logique est au centre de la nouvelle, et toute une part de l'intrigue s'appuie sur les difficultés à trouver une solution rationnelle à la disparition de la lettre. Lors de sa visite à Dupin, G... explique les raisonnements qui lui ont permis de découvrir l'identité du voleur, et ceux qui lui ont permis de déduire que la lettre était toujours en sa possession, cachée quelque part dans son domicile. En dépit de ses certitudes, G... ne parvient pourtant pas à récupérer l'objet : le mystère se partage donc entre d'une part la possession certaine d'éléments, et de l'autre l'incapacité à obtenir des résultats.
Si Dupin réussit, lui, à résoudre cette apparente contradiction, c'est parce qu'il a su raisonner autrement que le policier, dont les déductions, pour justes qu'elles fussent, n'ont pas suffi à résoudre l'affaire. G... a en vain cherché la lettre en la supposant cachée : il a sondé tous les espaces pouvant abriter une lettre qu'on aurait voulu dissimuler. Dupin comprend lui que si G.. a échoué, c'est que la lettre volée a volontairement été mise en évidence par le criminel. Loin d'être rangé dans un endroit secret, le billet est en évidence dans le bureau du coupable : la lettre a été froissée, maquillée d'un autre sceau et d'une autre écriture après avoir été pliée à l'envers. Si elle n'attire pas l'attention c'est qu'elle semble sans valeur, ordinaire.


Grain de selLe Scarabée d'or (1843), 
lectures communes en juinlecture commune sur grain de sel en août  forum grain-de-sel















L'histoire désormais connue sous le nom de Canard au ballon fut d'abord publiée dans The Sun, un journal de New York dont le gros titre était :
ÉTONNANTES NOUVELLES
PAR EXPRES, VIA NORFOLK :
L’ATLANTIQUE TRAVERSÉ
EN TROIS JOURS !
TRIOMPHE SIGNALE DE
LA MACHINE VOLANTE DE
M. MONCK MASSON !!!
L'article donne un compte rendu détaillé et plausible d'un voyage en montgolfière par le célèbre aéronaute Monck Mason qui traversa l'océan Atlantique en 75 heures. Un diagramme et des documentations sur l'embarcation ont été également fournis.
Poe aurait pu être inspiré (du moins en partie) par un canular journalistique précédent intitulé the Great Moon Hoax et publié dans ce même journal en 1835. L'un des écrivains supposé de ce canular, Richard Adams Locke était l'éditeur de Poe à l'époque où le canard en ballon a été publié.
Poe s'était plaint pendant une dizaine d'années que le Great Moon Hoax avait plagié (par l'intermédiaire de Locke) une histoire de Poe qui n'eut que peu de succès : Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall.
Poe sentit que The Sun avait fait des profits immenses à partir de son histoire sans lui donner un centime (la colère de Poe envers The Sun fut matière à une chronique de Matthew Goodman intitulée The Sun and the Moon.
 Rien de fantastique, un voyage en ballon assez ennuyeuse, pas vu l'ombre d'un canard.






Cette nouvelle débute par l'apparition d'un ballon gonflable dans le ciel de Rotterdam, produisant un vacarme si spectaculaire que tous les habitants de la célèbre ville hollandaise viennent observer l'étrange phénomène. Le ballon descend vers la ville jusqu'à ce que la foule puisse apercevoir un singulier individu à bord de l'engin, caractéristique par sa très petite taille. En hâte, cet étrange personnage lance par dessus bord une lettre, qui atterrit au pieds du bourgmestre Superbus Von Underduk. La lettre en question a été rédigée par un homme du nom d'Hans Pfaal, qui avait disparu de Rotterdam quelques années plus tôt.
Pfaall raconte dans cette lettre les aventures qu'il a vécues au cours des dernières années après sa disparition, qui était en fait une fuite. Il y explique pourquoi et comment il a si soudainement quitté sa ville natale, et raconte ensuite le déroulement de l'expédition qu'il a menée vers la Lune en solitaire.
Pfaall présente cette lettre comme un carnet de voyage, et y explique ainsi qu'étant encore raccommodeur de soufflets avant sa fuite, il avait fini par crouler sous les dettes à cause du déclin de son métier. Ses créanciers, se rendant compte que les affaires de leur emprunteur étaient malmenées, essayèrent de récupérer l'argent qu'ils avaient prêté. Hans Pfaall pense alors au suicide. Mais il se ravise, et décide avec un certain sadisme de faire attendre ses créanciers en leur promettant un remboursement rapide, lui laissant ainsi le temps d'élaborer sa vengeance.
Le Rotterdamois, qui n'a plus rien à perdre, décide alors de tenter un voyage vers la Lune plutôt que de se donner la mort. Il construit alors un ballon adapté aux conditions supposées difficiles de la haute atmosphère et de l'espace entre la Terre et son satellite naturel. Une fois ce ballon terminé, Pfaall décide de partir le 1er avril à la nuit tombée, et invite ses créanciers à le rejoindre en leur laissant penser que l'expédition qu'il va mener lui permettra de récupérer une grande quantité d'argent qui servira à rembourser les dettes avec leurs intérêts. Alors que les hommes d'affaires finissent de gonfler le ballon, Pfaall entre dans l'engin et décolle soudainement, peu après avoir allumé un tonneau de poudre qui explose au nez de ceux que Pfaall appelle ses "bourreaux". Les pauvres hommes meurent sur le coup, tandis que Pfaall s'élance vers la Lune.
Encore un voyage en ballon, de la terre à la lune cette fois, passablement ennuyeux.
canular, Synonymes : attrape, blague, bobard, canard, farce, imposture, mystification.


Archive N°17 Manuscrit trouvé dans une bouteille (1833)
Un narrateur anonyme est en mer et se retrouve dans une série de situations atroces. Alors que son bateau le conduit toujours vers le sud et que le narrateur sent sa mort approcher, il écrit un manuscrit racontant ses aventures, le met dans une bouteille et le jette à la mer. Certains critiques voient dans cette nouvelle une satire des récits de voyages en mer et des romans d'aventures.

lecture commencée le 28/07/2012
illustration : Christy Astuy

Révélation magnétique (1844)
Morella (1835)
Ligeia (1838)

La nouvelle la plus connue est sans doute La Lettre volée. Ce récit relate la façon dont un détective particulièrement intelligent, Auguste Dupin, réussit à retrouver une lettre d'une certaine importance volée dans le boudoir royal par un ministre. Dupin retrouve cette lettre chez le voleur, alors que son domicile avait pourtant été fouillé avec la plus grande minutie par la police. Seulement, au lieu d'être cachée, la lettre était placée en évidence sur un présentoir, et se trouvait dans une enveloppe d'aspect "sale et chiffonné" qui n'avait pas attiré l'attention de la police. L'aspect négligé de l'enveloppe ne correspondait pas à la description qu'en avait eu le préfet chargé de l'enquête, et laissait penser qu'elle ne pouvait contenir qu'un document sans valeur. C'est précisément l'aspect excessivement déplorable de cette enveloppe, contrastant avec la minutie habituelle du ministre, qui a mis Dupin sur la bonne voie.


Edgar Allan Poe (Boston19 janvier 1809 - Baltimore7 octobre 1849) est un poèteromanciernouvellistecritique littérairedramaturge1 et éditeuraméricain, ainsi que l'une des principales figures du romantisme américain. Connu surtout pour ses contes — genre dont la brièveté lui permet de mettre en valeur sa théorie de l'effet, suivant laquelle tous les éléments du texte doivent concourir à la réalisation d'un effet unique — il a donné à la nouvelle ses lettres de noblesse et est considéré comme l’inventeur du roman policier. Nombre de ses récits préfigurent les genres de la science-fiction et du fantastique.

Débuts littéraires difficiles
De retour à Baltimore, chez Maria Clemm, il recherche vainement un emploi. Ses articles et ses contes sont tous refusés. Enfin, il envoie cinq nouvelles au concours duPhiladelphia Saturday Courrier, qui promet au gagnant un prix de 100 dollars. Il n'obtient pas le prix, mais ses contes (notamment Metzengerstein) sont publiés, sans son nom, en 1832 par le Saturday Courrier (qui les paie très mal)5.
Ainsi commence sa carrière de journaliste. Dans l'indigence, il pratique aussi le métier de pigiste nègre et continue son travail d'écrivain, consacrant ses loisirs et ses maigres revenus à l'éducation de sa petite cousine Virginia. En 1831, il fait paraître chez Elam Bliss à New York Poèmes, seconde édition, dédié au « corps des cadets des États-Unis » et précédé du premier manifeste critique d'Edgar, la Lettre à M… (reprise par la suite sous le titre Lettre à B…), qui bénéficie d'un accueil peu favorable5.
En 1833, le New England refuse de publier son premier recueil : Contes du club de l'In-Folio. En revanche, en octobre, il enlève le 1er prix du concours du Baltimore Saturday Visiter avec le Manuscrit trouvé dans une bouteille, qui lui apporte une certaine notoriété et l'amitié de John P. Kennedy, membre du jury et célèbre romancier. Grâce à ses recommandations, il peut publier ses premiers comptes rendus de critique littéraire au Southern Literary Messenger5.
En août 1835, il est enfin engagé par Thomas W. White comme directeur de la section littéraire du journal. Toutefois, il n'est pas libre : il doit se conformer au programme de la revue, qui soutient la littérature sudiste, et satisfaire l'admiration infantile de T. W. White pour les discours des gentlemen virginiens. La griffe d'Edgar apparaît dans ses nombreux pamphlets contre les romanciers populaires (du Nord) de l'époque. Il s'attaque notamment au best-seller de Theodore FayNorman Leslie, coqueluche de New York et des journaux nordistes tels le Knickerbocker, le Commercial Intelligencer ou la North American Review. Son talent de polémiste éclate, et il rénove l'esprit du Southern. Ses opérations médiatiques, comme la série : « Autobiographies pastiches de lettres d'écrivains », font monter le nombre d'abonnés au journal5.
Il épouse clandestinement Virginia le 22 septembre 1835. Le 16 mai 1836, il l'épouse publiquement, et la jeune fille, qui n'a que 13 ans15, le rejoint à Richmond avec sa mère5,18.
Toutefois, il s'estime, à juste titre, mal payé et ne supporte plus les reproches (sur son supposé alcoolisme, notamment) dont l'accable, en public, T. W. White, pour empêcher son brillant rédacteur de prendre trop d'ascendant et garder le contrôle de son journal. Aussi décide-t-il de quitter le Southern5.
En février 1837, il s'installe à New York, où la New York Review lui a fait une proposition. Mais le journal a cessé de paraître quand il arrive. Mrs Clemm ouvre une pension àManhattan, où Edgar s'installe avec Virginia. Il y achève Les Aventures d'Arthur Gordon Pym et y révise Les Contes de l'In-Folio5.

postérité
Edgar Poe est un auteur prolifique, qui laisse deux romans, de nombreux contes et poèmes, outre ses essais, ses critiques littéraires et son abondante correspondance. Une partie importante de ses contes et poèmes ont été traduits en français34 parCharles Baudelaire et Stéphane Mallarmé. D'une très grande qualité littéraire, ces traductions comportent cependant quelques erreurs et libertés par rapport à l'original, parfois graves pour la compréhension de la pensée de Poe35,36,37. Si les poèmes ont pu faire l'objet de retraductions, le rôle joué par Baudelaire dans la célébrité de Poe en Europe empêche tout travail en ce sens, et seuls les textes qu'il a laissé de côté ont fait l'objet de traductions plus récentes. On trouve plusieurs contes et poèmes de Poe en accès libre sur le web.
Pendant longtemps, l'image d'Edgar Poe fut tronquée ; elle l'est encore dans une partie importante du public38. Poe fut victime d'un pasteur baptiste bien-pensant, par ailleurs littérateur jaloux, Rufus Griswold (1815-1857) — le « pédagogue vampire », selon le mot de Baudelaire —, qui s'acharna à détruire son image39. Le 9 octobre 1849, déjà, il écrivait dans le New York Tribune : « Edgar Poe est mort. Il est mort à Baltimore avant-hier. Ce faire-part étonnera beaucoup de personnes, mais peu en seront attristées. (…) L'art littéraire a perdu une de ses plus brillantes et de ses plus bizarres célébrités31. » Par la suite, chargé avec James Russell Lowell et Nathaniel Parker Willis d'assurer l'édition des Œuvres posthumes de Poe40, il rédigea une notice biographique parue en tête du troisième tome, « chef d'œuvre d'ambiguïtés suggestives, de faux vraisemblables, de mensonges masqués, d'imaginations superbement jouées » selon Claude Richard. Il prétendit ainsi qu'il était alcoolique, mélancolique, c'est-à-dire victime d'un déséquilibre mental, et que c'était un personnage sinistre qui avait des « éclairs de génie ». Les légendes qu'il forgea eurent longtemps seules droit de cité, malgré les protestations des amis de Poe (Sarah Helen WhitmanJohn NealGeorge Rex Graham, George W. Peck, Mrs Nichols ou Mrs Weiss)41. C'est grâce aux travaux de John Henry Ingram (1880)42, James A. Harrison (1902)43 et Arthur Hobson Quinn (1941)44 que la vérité sur le travail de l'écrivain fut rétablie, avec l'édition, en 1902, des œuvres complètes de Poe, dite Virginia Édition, qui comporte dix-sept volumes31,45.

Illustration d’Ulalume par Dante Gabriel Rossetti (conservée au Birmingham City Museum and Art Gallery).
En France même, où ses œuvres ont connu très tôt un large écho, grâce essentiellement aux efforts de Charles Baudelaire, nombre d'études témoignent d'une méconnaissance assez large du poète américain. Une part des légendes qui se colportent ont d'ailleurs été transmises par Baudelaire, lui-même, qui s'est reconnu dans cette image de l'écrivain hanté et misérable et l'a présenté avec trop d'insistance comme le parangon des poètes maudits46 et sulfureux. Même s'il dénonce largement les légendes colportées par Rufus Griswold (parmi lesquelles celle de l'alcoolisme de Poe), rappelant que, selon plusieurs témoins, il ne buvait généralement que fort peu, il décrit ce supposé alcoolisme comme « un moyen mnémonique, une méthode de travail »47. De même, il lui attribue ses propres penchants pour la drogue31.

Statue d'Edgar Allan Poe, près du Capitole de l'État de Virginie, à Richmond (Historic American Buildings Survey, Librairie du Congrès, Washington).
Plus tard, en 1933Marie Bonaparte se livra à une importante étude psychanalytique, qui est fréquemment citée parmi les grandes critiques de Poe et de son œuvre, et qui a eu une grande influence sur la réception de l'œuvre de Poe, ne serait-ce qu'en raison de son analyse des textes de Poe suivant le prisme de la psychanalyse freudienne. Cela dit, plusieurs critiques considèrent son ouvrage comme assez contestable dans sa manière de reproduire et d'amplifier certaines légendes véhiculées par Griswold. Par exemple, elle affirme qu'Edgar Poe aurait aperçu, dans sa petite enfance, ses parents faisant l'amour, déduisant de cet événement des complexes dont témoigneraient, selon elle, ses textes. Influencée par les légendes répétées à l'envi depuis Griswold, qui présentent Poe comme un être neurasthénique, alcoolique, drogué, marqué par la fatalité48, elle fait partie des analystes qui considèrent que Poe a écrit une œuvre largement autobiographique, transcrivant sur le papier ses propres terreurs49. Pour ce faire, si elle corrige certaines erreurs de la traduction de Baudelaire50, elle se livre elle-même à certaines déformations, pour justifier son propos. Ainsi, la phrase : « Si dans maintes de mes productions, la terreur a été le thème, je soutiens que cette terreur n'est pas d'Allemagne, mais de l'âme — que j'ai déduit cette terreur de ses seules sources légitimes et ne l'ai poussée qu'à ses seuls résultats légitimes.», tirée de la préface des Contes du grotesque et de l'arabesque, devient, sous sa plume : « Si dans maintes de mes productions, la terreur a été le thème, je soutiens que cette terreur n'est pas d'Allemagne, mais de mon âme ». Pour ces critiques, cette lecture ignore pour une part le travail de l'écrivain et méconnaît la pensée de Poe, que l'auteur prétend qualifier de « nécrophile en partie refoulé en partie sublimé »51,52,53. Ainsi, selon le psychanalyste Édouard Pichon« les études des psychanalystes sur les artistes, représentées surtout, en France, par celles de Laforgue sur Baudelaire et de Marie Bonaparte sur Edgard Poë, contiennent maints éléments intéressants, mais Freud a le bon sens d'écrire que la psychanalyse "ne peut rien nous dire de relatif à l'élucidation artistique"54 ». Par ailleurs, et dans une perspective très différente de celle d'une Marie Bonaparte ou d'un René Laforgue, Jacques Lacan a également livré un commentaire psychanalytique de la nouvelle intitulée La Lettre volée50.
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Recherche prévue sur les illustrateurs 

the-raven.png
laurent Mattoti

Fichier:Paul Gustave Dore Raven24.jpg
Edgar Allan Poe's The Raven by Gustave Doré 



Édouard Manet.